En ce jour du 11 Novembre où l’on célèbre la paix retrouvée, j’ai livré une bataille sans merci. Armé que d’une seule arme à la main, face à des rangées d’innombrables adversaires, nous nous sommes longuement observés. Puis dans un bruit assourdissant, je me suis jeté à corps perdu sur elles. Les premiers rangs ont vite volé, retombant en arrière de-ci de-là. J’attaquai stratégiquement les flancs pour les forcer à se regrouper pour ainsi en atteindre plus à la fois. Le tourbillon de leur corps inerte retombant était presque féérique, comme s’ils étaient mus par un tourbillon invisible.

Ce que je n’avais pas mesuré, c’est qu’au fur et à mesure que les corps s’entassaient à l’arrière, les rangs étaient de plus en plus dur à percer, la progression se fit alors plus lente. Mon père vint alors en renfort muni d’une arme ancestrale bien moins perfectionnée que la mienne et aussi plus dure à manier. Il ne mit pas longtemps à contenir l’ennemi et le regrouper dans un coin isolé. Nous tournâmes autour pendant quelques temps afin de surveiller qu’ils ne s’échappent pas. Puis ils furent mis dans des containers et expédiés à la crémation.

Epilogue: Assourdi par le ronron du souffleur à feuilles, qu’est ce qu’on peut s’en inventer des histoires. Mon père avec son rateau eut les même mots que moi: la bataille a été rude cette année.

Surtout que dans dans quelques semaines, poussées dans le vide par le vent, les rangs se seront reformés et auront encore décidé inlassablement de prendre possession de la pelouse en exterminant le gazon qui n’a rien demandé à personne…