Hasard du calendrier ou providence, il y a déjà quelques temps que j’avais pris ma place pour le concert de Jean Michel Jarre dont la tournée passe (ô miracle) par Tours. La dernière fois qu’il était venue dans notre ville j’avais 12 ans et c’était pour un concert géant en plein air. Le prix des place étant assez élevé et mes parents ne voulant pas me laisser y aller tout seul, la soirée s’était bornée à regarder un concert en VHS.
Depuis que je suis tout petit je suis un fan de sa musique et du personnage. Je lui enviais d’avoir rencontré Cousteau qui était lui aussi l’un des héros de ma jeunesse. Dès que j’ai eu mon premier lecteur CD, c’est un album de Jean Michel Jarre que je me suis fait offrir et il a tourné en boucle dessus jusqu’à en être surchauffé. Je n’ai depuis raté aucune sortie d’album même si depuis j’ai découvert d’autres formes de musiques électroniques. J’ai toujours senti un grand vide par le fait de n’être jamais allé à un de ses concerts.
Du coup dès que j’ai su qu’il venait à Tours je me suis précipité pour aller acheter mon billet. Pour dire, il n’était même pas encore affiché dans le magasin, il a fallu qu’ils se renseignent pour savoir à quelle date c’était. Finalement j’ai opté pour une place dans l’espace VIP au 4ème rang, ce n’est pas tous les jours que l’on réalise un rêve. Arrive le moment tant atttendu, je me demandais quel allait être le public. A part quelques fans comme moi, qui étaient là avec des tee shirts des tournées précédentes, j’ai été relativement déçu de constater qu’il y avait une majorité de retraités autour de moi. Tant pis cette soirée serait ma soirée et je ne suis pas là pour eux.
Les lumières s’éteignent et il arrive par le fond de la salle, une bouffée d’émotion me submerge, il passe au travers des allées. Bizarrement je ne suis pas surpris de le voir en vrai, c’est comme si je l’avais toujours connu et que je connaissais son visage dans les moindres détails. Les premiers morceaux s’enchainent et l’émotion et toujours présente. Comme par hasard ce sont les morceaux qui me touchent le plus par lesquels ils commencent, plutôt mélancoliques. Les gens autour de moi applaudissent poliment mais ce n’est pas la grosse ambiance. Je me demande pourquoi ils sont là, ils n’avaient qu’à réécouter leurs 45 tours si c’est pour ne pas communier avec l’artiste sur scène. De son côté, lui saute partout court d’un bout à l’autre de la scène, essaye de faire se lever les gens.
Finalement les vrais fans (auxquels je m’inclue) nous nous retrouvons debout à sauter sur place, on voit que ça lui fait plaisir, ça l’électrise, il repart de plus belle dans des solos et nous fait des signes. D’autre fans qui étaient sur les gradins un peu plus loin décident de prendre les choses en main. Je les admire, moi aussi j’ai envie de faire bouger ce public qui ne réagit pas. Nous nous retrouvons debout dans les allées, puis sur le devant de la scène alors que les petits vieux s’indignent, des danses s’improvisent, des mains se tendent, Jean Michel Jarre répond de plus belle, vient serrer des mains, on voit qu’il aime ça quand le public est là.
C’est finalement une foule en délire qui applaudit, hurle à tout rompre alors que l’on est à 3 morceaux de la fin. On arrive finalement à obtenir 3 rappels alors que les instruments avaient déjà été éteints, signe qu’ils avaient bien senti que le public n’était pas là et c’est finalement le meilleur moment du concert, la façon dont je l’avais imaginé, dont il aurait dû se produire dès le début. La preuve c’est que les vieux n’ont même pas entendus les rappels pour partir, tant pis pour eux.
Les lumières se rallument, on reste entre fans à regarder cette scène maintenant vide, on ne veut pas partir, on essaye de se forger encore quelques souvenirs. Mais la sécurité nous demande maintenant de sortir car ils commencent à démonter et que cela devient dangereux de rester sous les rampes. Dehors c’est la cohue des voitures qui se pressent pour quitter le parking. Je décide donc de m’assoir un moment sur un des piliers en béton qui sont le long de l’allée qui mène à la salle, je connais pourtant bien ce parc des expos mais ce soir je n’ai pas envie de le quitter comme ça.
Une personne s’approche de moi, après tous les prospectus que l’on a reçus à la sortie, je me dis que c’est encore de la publicité. Pas du tout, il s’agit d’une personne qui cherche l’arrêt pour le bus de nuit. A son français hésitant, je devine qu’il n’est pas d’ici. J’essaye de lui indiquer mais il ne comprend pas. A son accent, je lui demande s’il parle espagnol, il me dit que oui. Je lui demande d’où il vient, et là il me sort son passeport: il est mexicain. Je lui demande alors s’il est venu spécialement pour le concert. Il me répond que oui, c’était son rêve et pour l’occasion il s’est même offert une place dans les premiers rangs. Je lui indique l’emplacement de son arrêt de bus et finalement dans un espagnol approximatif (enfin pur moi) nous discutons du concert, des morceaux qui ont été joués, des effets de lumières, des lasers. Finalement nous nous étreignons mutuellement en nous disant au revoir.
Et là, j’ai trouvé toute la magie que j’attendais de cette soirée, la communion entre les fans, le sentiment de vivre un instant unique. Le plus étrange est de me dire que j’ai trouvé tout ça en dehors de la salle du concert…